Décidément, l’atmosphère politique est devenue irrespirable ces temps derniers et l’incident survenu hier mardi entre le Premier ministre et les socialistes n’en est qu’un épisode supplémentaire, à peine surprenant. Que, dans la foulée, M. Bayrou demande l’organisation de nouvelles élections dans les plus brefs délais, n’est pas non plus illogique même si cela peut sembler fort hasardeux. Comme le disait un journaliste : « Pour faire quoi ? »
La Ve République est-elle à bout de souffle ? Il est vrai que le règne de M. Chirac a marqué un vaste discrédit des institutions fondées par le général de Gaulle pour sortir de la permanente crise de la décision et de la légitimité qu’était, essentiellement, la IVe République
A bien y regarder, la Ve ressemble, de plus en plus, à ce qu’elle a voulu dépasser. J’ai dit « ressemble », ce qui ne veut pas signifier qu’elle « est » la IVe République. Mais cet affrontement entre des partis et au sein même des partis, avec la seule ligne d’horizon de la « reine des élections », la présidentielle, nous ramène à la confusion qui fut celle des IIIe et IVe même si le paysage et l’objet de la lutte ne sont pas exactement les mêmes que dans ces deux cas précédents.
La pire des erreurs serait d’aggraver le mal, comme le réclament sans prudence le Parti socialiste ou les adeptes d’une VIe République qui ne serait que la simple resucée de la IVe, en redonnant trop de pouvoir au Parlement et en réduisant la Présidence de la République à un rôle purement honorifique ou simplement de « représentation diplomatique ». On voit bien, à travers l’incident de mardi et les fréquents accrochages à l’Assemblée nationale entre factions rivales, que revenir à un système parlementaire national ne ferait qu’ajouter au trouble et au discrédit d’une classe politique, plus attachée à défendre des intérêts particuliers et de court terme qu’une vision politique constructive à long terme. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faille pas repenser le rôle et la place des assemblées parlementaires dans le schéma institutionnel français, en particulier en leur redonnant plus de pouvoir face au Parlement européen, désormais maître du jeu législatif en Union européenne : la plupart des lois actuellement votées à l’Assemblée nationale ne sont que des transpositions dans la Loi française de directives européennes, ce qui ne laisse guère de latitude aux parlementaires français pour exister véritablement par eux-mêmes
En tout cas, le spectacle actuel que donne la République ne peut que renforcer mon royalisme politique et institutionnel, ne serait-ce qu’ a contrario. L’urgence politique est de restaurer la crédibilité de l’Etat alors que l’actuel Pouvoir semble ne plus même penser à cette nécessité, prisonnier qu’il est de ses propres échecs et incertitudes
La République et sa classe politique le peuvent-elles ? J’en doute fortement : il manque à l’une la durée et l’indépendance, à l’autre le sens du Bien commun politique. Lorsque De Gaulle évoquait en souriant sa propre disparition, il annonçait craindre, non le vide, mais le trop-plein : à voir le nombre des prétendants au trône présidentiel, l’on peut considérer qu’il avait vu juste
Alors que la magistrature suprême de l’Etat est, ou devrait être, d’abord une charge qui implique des devoirs, il semble que nos candidats à la présidentielle ne voit en elle que le « couronnement » de leur carrière politique
Il y a là une dangereuse inversion du sens même de cette magistrature suprême de l’Etat.
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