Les cours ont repris cette semaine au lycée et j’ai déjà entamé les programmes d’Histoire avec mes classes de Seconde et de Première. Mais, avant cela, lors des séances de présentation, j’en ai profité pour indiquer quelques livres à lire pour les élèves (ce ne sont que des conseils, pas une obligation), dans le cadre des programmes, et qui doivent leur permettre d’aborder les cours avec quelques références littéraires ou intellectuelles supplémentaires. Il y a des « classiques » comme 93 de Victor Hugo, Germinal de Zola ou 1984 d’Orwell, mais aussi des ouvrages moins cités d’ordinaire dans les écoles de la République comme, pour les classes de Seconde, Les dieux ont soif d’Anatole France ou La chambre de Chandernagor, ou, pour les classes de Première, La France contre les robots de Bernanos, Les déracinés de Barrès, ou Au plaisir de Dieu de Jean d’Ormesson. En général, tous ces titres devraient trouver leur place dans les bibliographies données par les manuels, mais ce n’est pas le cas (pour quelles raisons ? Poser la question aux rédacteurs des livres scolaires serait intéressant
et leurs réponses sûrement instructives
), et cela me semble un grand dommage, ne serait-ce que pour la culture générale et la réflexion de nos élèves.
En fait, il est évident que certains auteurs et certains livres ne sont pas assez « politiquement corrects » pour l’Education nationale, soucieuse, depuis Jules Ferry et ses amis, de former de « bons petits républicains » qui, surtout, ne se posent pas trop de questions dérangeantes pour l’idéologie officielle du régime en place
Heureusement, sans même attendre mes conseils de lecture, certains élèves s’émancipent de l’enseignement officiel et il arrive que quelques uns posent les bonnes questions, celles dont les réponses ne se trouvent pas dans les manuels scolaires
Il ne faut jamais désespérer de l’intelligence, en se souvenant que l’école de la République a nourri en son sein de nombreux intellectuels qui ne se sont pas, pour autant, contentés des leçons « républicaines-z-et-démocratiques », et sont allés chercher ailleurs des pistes de réflexion : je pense, par exemple, à Thierry Maulnier ou à Raymond Aron, ancien élève du lycée Hoche qui, tout libéral qu’il soit, est d’une lecture parfois très « incorrecte »
Je pense aussi à cette philosophe morte trop tôt, Simone Weil, dont le livre « L’enracinement » m’a, il y a quelques années, fortement impressionné.
Je dois avouer que, personnellement, ce n’est pas au lycée, sauf rares exceptions, que j’ai enrichi mon adolescence, mais bien plutôt dans la bibliothèque très riche de mes parents et en découvrant des auteurs peu évoqués par mes profs de Jean-Macé ou de Chateaubriand (mes deux lycées, entre 1977 et 1982, à Rennes) dans la librairie « Les nourritures terrestres », où ma mère m’emmenait alors régulièrement
La curiosité, en histoire comme en littérature, est une belle qualité
Beau post...
Conseil de lecture que vous devriez donner : Malraux, la condition humaine, et la tentation de l'occident; ça éclairera peut-être une partie de l'histoire que les occidentaux amateurs de raccourcis, et les orientaux amateurs d'ipod d'aujourd'hui on peu tendance à évoquer...
Rah, les nourritures terrestres... Viva Gide, mais à petite dose, hein...
Quant au fait que le Lycée n'est sûrement pas la meilleure source de culture, bah... Je vous renvoie à ma journée où j'ai passé sept heures à lutter pour garder les yeux ouverts; non seulement, on n'apprend rien, mais en plus, on nous impose toujours les mêmes horaires... C'est mauvais pour le corps humain, c'est avéré. Et comme les vacances sont en été, évidemment, toute l'activité se concentre en hiver... Or, en hiver, on est plus faible. Trouvez le problème.
J'ai plus appris en restant sur un banc à me tourner la cellule grise en regardant la nuit, plutôt qu'en me réfugiant dans les petits paradigmes bien chauds que nous servent gracieusement les dignes havres de l'éducation nationale... Quand je vois que la plupart des gens d'ce lycée « d'élite » classe reste ahuris devant un texte un peu approfondi, ou même devant une musique qui saute un peu les barrières du socialement indérangeant, et que la grande peur de leur vie, c'est de se retrouver en bordure de Trappes après six heures du soir...
Alors, comme on me trace mon chemin à grand coups d'initiales diplômiques, d'années d'études et de monde du travail, j'ai plus qu'à dire adieu aux activités inutiles, comme la réflexion, la compréhension, et la recherche d'autre chose... A quoi ca sert, puisque de toute manière, nos bons hommes politiques sont là pour assurer la sécurité familiale et le bon fonctionnement des administrations françaises, des PMU et des inscriptions par internet?
Alors pourquoi se bouger le cul, quand on peut s'abreuver sans contraintes à la mamelle de l'éducation nationale, consciencieusement remplie par les mêmes mecs qui, au ministère des sports, pourrissent de l'intérieur les arts martiaux, et, pour cause d'assurance, interdiront bientôt d'aller courir la nuit?
Mais je m'égare... Donc je vais aller dormir, pour bien me préparer à une année scolaire bien remplie, à des petits déjeuners pleins d'énergie, aux conférences sur l'horreur de l'alcool, et à l'élection des Voiciticiens...
Bonne soirée...
Rédigé par : Hugo | 08 septembre 2006 à 23:03
"En fait, il est évident que certains auteurs et certains livres ne sont pas assez « politiquement corrects » pour lEducation nationale, soucieuse, depuis Jules Ferry et ses amis, de former de 'bons petits républicains' qui, surtout, ne se posent pas trop de questions dérangeantes pour lidéologie officielle du régime en place "
Dieu, ce n'est que trop vrai...! Vivement la privatisation et la concurrence !
Rédigé par : Anton WAGNEr | 09 septembre 2006 à 12:54
Beau commentaire de Hugo, auquel je ne rajouterai rien.
Quant à "la privatisation et la concrrence", je ne suis pas sûr qu'elles soient la meilleure garantie pour la culture générale de nos élèves. Mais il faut, c'est certain, casser le carcan qui empêche les jeunes d'"imaginer autre chose que ce qui existe" (selon la formule de feu le comte de Paris) sur le plan politique et économique (entre autres). Vaste chantier!
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 09 septembre 2006 à 18:47
Bonjour,
Dans les domaines de l'histoire et de la littéraure, l'un des meilleurs remèdes pour chasser les miasmes répandus par l'éducation nationale, c'est sans doute la lecture du "XIXe siècle à travers les âges" du regretté Philippe Muray (collection Tel, n° 304, Gallimard-Denoël). Rire garanti à chaque page qui plus est.
Tout aussi salutaires bien sûr Bernanos (tout Bernanos !) et Simone Weil.
Amicalement.
Rédigé par : daniel | 10 septembre 2006 à 16:00