Les difficultés d’Airbus sont aujourd’hui à la « une » de l’actualité, autant sociale que politique, et forcent les candidats à de nouvelles promesses dans un domaine que, pourtant, le Politique a peu à peu abandonné aux seuls décideurs économiques et financiers : il est évident que cela tient plus au calendrier électoral qu’aux volontés des postulants à la magistrature suprême qui se seraient sûrement bien passés d’une telle affaire.
En tout cas, cette crise affecte aussi l’image de l’Union européenne qui, au moment du référendum de mai 2005, avait vanté les mérites de l’entreprise comme étant « le symbole d’une Europe qui réussit » en oubliant qu’il s’agissait d’abord d’une coopération entre pays européens et non d’une entreprise purement supranationale. Il n’est pas inintéressant d’ailleurs de remarquer le silence (ou la grande discrétion
) de la Commission européenne dans cette affaire, ce qui est assez logique au regard de ses conceptions plutôt néolibérales et qui souligne son absence de stratégie sociale véritable, préférant croire aux vertus absolues du Marché
Quant aux grands actionnaires privés, ils ne pensent, visiblement, qu’à se défaire de ce fardeau qui ne les intéresse guère, comme on peut le constater avec l’attitude lointaine de M. Lagardère qui confine à l’indifférence ou avec celle de DaimlerChrysler pour qui l’aéronautique n’est pas une priorité. D’autres, en particulier quelques fonds de pension qui sont entrés dans le capital d’EADS, ne s’inscrivent que dans une logique spéculative et non pas industrielle.
Il faudrait aussi souligner les « absences » de l’Etat français et ses manuvres délétères qui rappellent que, de tous temps, notre République a compris la fraternité comme « le règne des copains » : du gendre du président Grévy dans les années 1880 aux « amitiés » du président Chirac, ce genre de politique ne donne pas que de bons résultats, comme on peut le voir aujourd’hui : je m’empresse de dire que je ne vise pas, par ce trait, M. Louis Gallois mais certains de ses prédécesseurs placés là par la volonté élyséenne
Et maintenant ? Sans doute faut-il repenser la nature et la stratégie de l’entreprise, et il n’est pas choquant de vouloir remettre à plat le système d’actionnariat d’EADS, y compris en y mêlant plus de « politiques », en particulier par le biais de participation des régions françaises comme le propose le président du Conseil régional de Midi-Pyrénées mais aussi, pourquoi pas, en proposant une « participation des salariés » au capital de l’entreprise : après tout, à la suite du royaliste La Tour du Pin (1834-1924) qui prônait « la propriété du métier » par les travailleurs, le général de Gaulle avait, lui aussi, évoqué cette idée de « Participation » pour donner plus de poids aux producteurs eux-mêmes et désarmer les spéculateurs autant que faire se peut. Même (et surtout !) à l’heure de la Mondialisation, il me semble urgent de rappeler que l’économie doit d’abord être au service des personnes qui en sont le fondement, et non l’inverse. Plus que par une « gestion » de l’entreprise elle-même ou par un étatisme économique dont on sait les limites et les dangers, c’est là que réside le devoir du Politique et de l’Etat : encore faut-il qu’il en ait la conscience et la volonté, et qu’il ne soit pas la proie des « ambitions » dont on sait trop bien qu’elles s’achètent
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