Dans le cadre des séances d’ECJS (éducation civique, juridique et sociale), les élèves de mes quatre classes avaient à rechercher les programmes des douze candidats à l’élection présidentielle, tâche dont les lycéens se sont généralement bien acquittés. J’ai, suite à la proposition des élèves eux-mêmes, procédé à une élection présidentielle virtuelle (à bulletins secrets) dans cinq groupes de classe, chacun d’environ 15 à 18 éléments : les résultats, qui sont évidemment à replacer dans leur contexte et qui ne sont pas autre chose que des « images » très partielles de « l’Opinion lycéenne », apportent néanmoins quelques enseignements, toujours à prendre avec toutes les précautions d’usage.
Tout d’abord, il est des candidats complètement ignorés par les 81 élèves électeurs des cinq groupes, tels José Bové ou Marie-George Buffet, qui n’ont recueilli aucun suffrage. D’autres candidats d’extrême-gauche remportent plus d’écho, en particulier dans deux groupes sur les cinq, au point d’accéder au second tour pour Besancenot (classe de 1ère S) et pour Laguiller (classe de 2nde) en face de Nicolas Sarkozy : un drôle de scénario, peu crédible évidemment dans la réalité, mais qui peut s’expliquer par l’aura que conserve le « mouvement révolutionnaire » dans le public lycéen désireux de « rupture ».
Autre particularité, totalement « isolée » et limitée à une classe de Seconde : 3 voix remportés par Frédéric Nihous, ce qui lui ouvre les portes d’un second tour très surprenant (du fait d’un vote blanc de 5 élèves) face à François Bayrou crédité de 6 voix
2 voix se sont aussi portées sur le candidat de l’UMP, Nicolas Sarkozy, et 1 sur le candidat de la LCR, Olivier Besancenot.
Dans trois groupes-classes, le second tour voit Nicolas Sarkozy affronter des candidats de gauche ou d’extrême-gauche : Royal ; Laguiller ; Besancenot.
Voici, à titre indicatif, les résultats par groupe :
- Dans un groupe de 2nde, au premier tour : Royal, 7 voix ; Sarkozy, 7 voix ; Bayrou, 2 voix ; blancs et nuls, 2 bulletins ; au second tour : Sarkozy, 11 voix, l’emporte sur Royal, 7 voix.
- Dans un groupe-classe de 1ére S, à forte tendance littéraire (synonyme de « romantisme politique » ?), au premier tour : Besancenot, 6 voix ; Sarkozy, 5 voix ; Le Pen, 2 voix ; Bayrou, 1 voix ; Royal, 1 voix ; au second tour, Sarkozy l’emporte avec 8 voix sur Besancenot qui en recueille 6.
- Dans un groupe-classe de 2nde, au premier tour : Sarkozy, 6 voix ; Laguiller : 3 voix ; Royal, 2 voix ; Voynet, 2 voix ; Bayrou, 2 voix ; au second tour : là encore, Sarkozy l’emporte avec 10 voix sur Laguiller (3 voix). 2 votes blancs.
Au regard de ces quelques chiffres, il est un élément frappant : au 2nd tour, les candidats de gauche ou d’extrême-gauche ne progressent pas d’une seule voix au contraire de Nicolas Sarkozy qui semble même récupérer des suffrages de gauche (Voynet ou Royal ?) dans le dernier groupe de 2nde considéré
En somme, Sarkozy semble plus « rassurant » (ou crédible ?) que ses concurrents dans une configuration de 2nd tour. Je doute que cela soit vrai dans d’autres établissements scolaires mais cela mériterait quelques « sondages », pour le coup bien utiles (avec, toujours, les précautions d’usage quant aux résultats) pour mesurer son impact dans le monde lycéen, même si, dans la réalité, les « chiffres » pèsent peu en cas d’ « événements » médiatisés
Dans le cinquième groupe, d’une classe de 1ère S d’esprit plus spécifiquement scientifique que celle précédemment évoquée, un seul tour a suffi pour départager les candidats et emporter la décision : Nicolas Sarkozy l’emporte avec 9 voix sur 16 votants ; 2 voix se sont portées sur Bayrou ; 2 également sur Le Pen ; 1 sur Villiers ; sans oublier 2 bulletins blancs.
Si l’on s’amuse à additionner les résultats de tous les suffrages exprimés (72 en tout) au 1er tour, on obtient une nette avance de Nicolas Sarkozy, avec 29 voix, suivi de François Bayrou (13 voix) ; puis viennent Ségolène Royal (10 voix), Olivier Besancenot (7 voix), Jean-Marie Le Pen (4 voix), Arlette Laguiller et Frédéric Nihous avec 3 voix chacun, Dominique Voynet (2 voix) et Philippe de Villiers avec 1 voix.
Dernière remarque : lors de la proclamation des résultats, dans au moins deux groupes, certains ont marqué bruyamment leur déception de l’élection de celui qui n’était pas leur candidat ; l’un a même murmuré que la majorité était « indigne » et, en somme, qu’il fallait savoir « en sortir »
Sans doute, plus largement, faudrait-il envisager, comme le proclamait une affiche placardée non loin du Lycée Hoche, « sortir de la matrice républicaine ». Non pas pour nier « la majorité » mais pour garantir la liberté de la magistrature suprême de l’Etat au dessus des querelles de partis qui pourraient, certes, se poursuivre, mais au niveau des assemblées et des instances gouvernementales. Car, au regard de ces petits épisodes électoraux sans conséquences (je parle de ceux organisés dans mes classes
), il est facile de constater que le principe de l’élection à la majorité des voix soustrait au lieu d’unir : comme l’écrivait Maurras dans un article du début du XXe siècle, « dans le régime des partis (
), les intérêts dressés, hérissés, se défendent ou s’attaquent les uns les autres en toute liberté avec une violence que rien ne borne, puisque le pouvoir politique est en eux tout entier et que leur résultante seule gouverne tout ! La formule de leurs rencontres et de leurs antagonismes devra donc s’écrire, en mettant les choses au mieux :
(a+b+c+d
) (
v+w+x+y+z)
Au lieu d’un total à peu près pur, on obtient un reste, et le faible produit de l’action politique ne s’exprime que par la différence entre la minorité et la majorité. La plus grande partie du groupe vainqueur, ne servant qu’à bloquer le vaincu, est frappé de la même nullité que les forces d’opposition qu’elle doit tenir en balance ». D’où la difficulté de faire de vraies réformes de structures dans un système qui « joue » la tête de l’Etat aux voix
Quoiqu’il en soit, ces séances d’ECJS, au-delà même de « l’élection » qui intervenait à la fin de chacune d’elles, a aussi montré qu’il y avait, chez certains élèves, une « soif de politique ».
Et je pense à cette fontaine publique située non loin du forum des Halles, dans une petite rue comme beaucoup d’autres, cette fontaine décorée d’un globe fleur-de-lysé : il est bien des soifs qu’elle pourrait étancher
Et je suis bien déçu que royal ne soit pas passée en 2nde 10!
Encore faut-il avouer que j'ai voté pour elle pour deux raisons:
1) Pour ses idées auxquelles j'adhère
2) Pour ne pas être mis dans le même panier que tous ceux qui votent Sarkozy sans rien y savoir...
En tout cas, le sondage ayant été réalisé dans le lycée Hoche, il n'est pas étonnant que Sarkozy l'emporte généralement, puisque les élèves ont souvent la même opinion politique que leurs parents, nous sommes à Versailles ne l'oublions pas...
Sortir de la matrice républicaine, c'est très drôle ! Aaah Versailles...
Rédigé par : Eleve de seconde | 05 avril 2007 à 19:36
L'intérêt de la recherche que j'avais donné à faire était de permettre aux élèves de découvrir eux-mêmes les idées des candidats et de se faire une opinion.
Quant à la sociologie de Versailles, et en particulier du lycée Hoche, elle est plus complexe que vous le laissez entendre, même s'il y a une tradition conservatrice enracinée, tradition qui trouve plusieurs modes d'expression (Sarkozy, Villiers, mais aussi les traditionnalistes) parfois antagoniques.
Quant au slogan "Sortir de la matrice républicaine", il mérite d'être défini et précisé, mais la campagne présidentielle montre bien que le terme de "matrice" n'est pas faux... D'ailleurs, l'Education Nationale a souvent été le moyen privilégié de cette "matrice" comme le prouvent les propos de Jules Ferry et de Ferdinand Buisson, entre autres (cf Programme d'Histoire 1ère). Mais j'en reparlerai. En attendant, bonnes vacances !
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 05 avril 2007 à 21:37