La Chine est l’objet de multiples interrogations, de quelques espoirs et de certaines inquiétudes : les événements du Tibet, survalorisés en France, et les réactions au passage de la flamme olympique à Paris en ont dévoilé quelques aspects mais ont souvent empêché de regarder lucidement et, surtout, politiquement et géopolitiquement, les mutations de la diplomatie chinoise et de sa présence au monde, dans le monde plus exactement. Il me faudra y revenir, en particulier après les Jeux olympiques qui marquent une étape importante dans la reconnaissance de la Chine comme puissance, mais pas seulement économique…
Une information est passée presque inaperçue en France, c’est celle que « La Croix » évoque en première page de son édition du jeudi 29 mai, sous le titre évocateur : « La Chine révise sa diplomatie ». En fait, l’article rapporte ce qui peut être qualifié de « moment historique » selon l’éditorialiste François Ernenwein, c’est-à-dire la rencontre entre Hu Jintao, président de la Chine populaire, et Wu Poh-hsiung, président du Kuomintang, le parti au pouvoir à Taïwan (la « Chine nationaliste » qui avait été battue par Mao en 1949), sur la place Tien An Men de Pékin : « Cette rencontre, à forte portée symbolique, indique une rupture. Elle confirme que les responsables de Pékin ont entamé une révision diplomatique visant à mieux inscrire la Chine dans le jeu mondial en en intégrant les usages. Cette normalisation en direction de Taïwan en prépare sans doute d’autres, en direction des Etats-Unis, de la Russie, de l’Europe, voire de l’Afrique. (…)
Mais cette rencontre, presque précipitée, n’aurait pas été possible rapidement si les responsables de Pékin n’avaient pas gagné du poids sur la scène internationale. Mieux assurés de leur puissance, ils ont désormais changé de tactique. Plus pragmatiques, ils normalisent leurs pratiques en politique étrangère. Ils montrent un peu moins leurs muscles et discutent un peu plus. Il est vrai que la conquête des territoires renvoie au passé. Celle des marchés prépare l’avenir. »
En somme, l’économie a permis, durant deux décennies, à la Chine de remplir ses caisses en se servant des appétits de profit des grandes entreprises occidentales, avides de faire des affaires, pas seulement avec les Chinois mais aussi avec les populations de la Triade soucieuses de consommer à moindre frais. Mais, désormais, cette manne accumulée permet d’envisager l’accession au statut de grande puissance diplomatique pouvant peser sur les affaires du monde, et la Chine ne manquera pas à cette « mission », comme il sera loisible de l’observer dans les années prochaines, et pas seulement en Afrique…
Reste à savoir comment la France va se positionner par rapport à cette nouvelle donne, et quels moyens elle mettra en œuvre pour sauvegarder sa liberté de manœuvre sur une scène internationale en mutation. La relecture du fameux chapitre « Que la France pourrait manœuvrer et grandir », dans « Kiel et Tanger », ouvrage majeur de Maurras qu’il faudra bien rééditer (et commenter, voire expliquer), n’est plus seulement d’actualité, elle est d’urgence !