Léon Daudet fut un des membres les plus éminents et remuants de l’Académie Goncourt, mais aussi le plus virulent et mordant des polémistes de l’Action Française : ses bons mots, ses outrances verbales, ses accusations parfois terribles, mettaient souvent du sel sur les plaies d’une République qu’il jugeait indigne de notre pays et qu’il dénonçait à longueurs de colonnes et d’années. Lui demander un « devoir de réserve » à l’égard du régime qui gouvernait alors la France aurait déclenché chez lui un rire sonore et provoqué la honte de celui qui aurait invoqué ce principe lié au fonctionnariat républicain (la monarchie lui préfère la « loyauté », tout simplement…).
Autant dire que le patriote intransigeant et l’écrivain libre qu’il était n’aurait guère apprécié la dernière sortie du député Eric Raoult à propos de la lauréate du Goncourt 2009 : je crois même qu’il en aurait rajouté dans la provocation en accusant le maître de M. Raoult d’être le déshonneur de la France, voire pire !
Les écrivains écrivent parfois des bêtises et ils doivent eux aussi accepter la critique, la plus juste comme la plus injuste : mais vouloir brider leur plume n’est guère raisonnable et peu conforme à l’idée que je me fais de la liberté de l’esprit. Je trouve qu’il y a déjà assez de censure comme cela, en particulier sous le joug du « politiquement correct » pour ne pas apprécier que l’on veuille encore en appeler à Anastasie et à ses ciseaux… Et, comme ma devise personnelle le clame : « La liberté, ça ne se renifle pas, ça se respire ! »
D’autre part, la France ne se limite pas, Dieu merci, à ses maîtres de passage : son histoire plus que millénaire a d’autres modèles à nous offrir que ceux de M. Sarkozy et de M. Raoult, et je ne la confonds pas non plus avec la République, née d’une usurpation ancienne et contre laquelle je n’en ai pas encore fini… Là encore, nous ne sommes pas loin du débat sur « l’identité française » et, plus largement, sur la définition même de la nation française, si différente, qu’on le veuille ou non, des autres nations d’Europe. Quand, à son tour, M. Sarkozy passera, la France restera : non pas qu’elle soit immortelle (et Paul Valéry nous a mis en garde contre cette possible illusion), mais elle a le « devoir de vivre », pour elle-même comme pour le monde ! Et les écrivains français participent aussi, parfois à leur corps défendant, à cette vie française dans le monde et dans le temps… Léon Daudet, comme son éternel adversaire Edouard Herriot, maire radical de Lyon et écrivain lui-même, en ont, malgré leur querelle politique permanente, convenu ! Miracle de la France, sans doute, miracle éternellement renouvelé, y compris par la littérature, si riche et diverse en la langue (et la patrie) de Molière.
Mais comment un prof d'histoire peut-il faire l'apologie d'un antisémite notoire comme Léon Daudet???
C'est incroyable! "éminent" dites-vous??? Je ne lis même pas le reste de l'article dans ces conditions!!!
Mais on est où là????
Je suis à 2 doigts de faire un signalement à l'inspection!! Pauvres élèves!!!
Rédigé par : Diogène | 22 novembre 2009 à 13:11
Ne confondez pas tout, svp ! La principale caractéristique de Léon Daudet n'est pas d'être antisémite (pas plus que Voltaire et Jules Verne, antisémites tout aussi notoires...) et il dit d'ailleurs avoir renoncé à cette idée dans les années 20... D'autre part, si vous lisez les critiques littéraires, vous constaterez que Léon Daudet reste une référence obligatoire pour cet exercice difficile : de plus, n'oubliez pas que c'est grâce à Daudet que Marcel Proust a obtenu le Goncourt en 1919...
Quant à mes élèves, je leur ai il y a peu parlé de Léon Daudet, et j'en suis très fier : la liberté de l'esprit, ça ne se renifle pas, ça se respire ! N'hésitez pas, donc, à faire votre signalement à l'inspection : j'assume !
Dernière chose : j'assume d'autant plus que je n'ai aucune tendresse pour la bêtise et pour l'antisémitisme, et que cela se sait !
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 23 novembre 2009 à 00:42