La Monarchie royale n’est pas qu’une théorie, elle est aussi vivante, humaine, profondément humaine par son principe même, celui d’un Pouvoir, d’un Ordre (au sens le plus noble et mystérieux du terme) qui s’incarne véritablement en une famille, en une suite de pères et de fils, de mères et d’enfants. Elle est la vie, au risque des drames comme à celui des joies simples et des grands bonheurs…
Un très bel article de l’avocat Trémolet de Villers, paru dans « Présent » mercredi 23 décembre 2009 nous le rappelle à bon escient et rend à la Monarchie royale ce sens particulier que l’on oublie trop souvent dans cette société qui consomme et consume, cette société dans laquelle « paraître » est devenu un verbe péjoratif quand il était, jadis, lié à la naissance et à sa magie…
« J’ai vécu, l’autre jour, une expérience politique toute nouvelle, absolument insolite, et dont je pense sincèrement que peu de théoriciens de la chose publique, docteurs en sciences politiques ou professeurs de droit constitutionnel peuvent se vanter de l’avoir connue, comme ce fut mon cas.
Ecoutez plutôt. Je me trouvai, conduit par le jeu combiné d’un heureux hasard et d’une douce nécessité, de façon impromptue et sans aucune préparation psychologique, dans l’intimité familiale du Prince Jean, de son épouse Philomena et de leur enfant, le petit prince Gaston d’Orléans. Lorsque j’entrai chez eux, la princesse donnait le sein à son enfant et le tableau, si connu mais toujours émouvant, de la mère nourrissant son enfant emplissait la pièce d’une douceur familiale. Avec le naturel que ses amis lui connaissent, la princesse, m’ayant demandé si je voulais un café, me confia son précieux fardeau, pour aller chercher ce qu’elle m’avait proposé.
Je reçus ce bébé, qui comme tous les bébés, se blottit dans mes bras, et que je berçais pour qu’il oubliât qu’il n’était plus au sein de sa maman. Pendant que ses parents s’affairaient ailleurs, je promenais dans le salon ce petit bonhomme, (…) et je songeai que je tenais au creux de l’épaule l’héritier vivant, sous la forme d’un bébé, des quarante rois qui, en mille ans, firent la France. (…)
Pour prendre la tasse de café qui m’était servie, je rendis l’enfant à sa mère. Il s’en trouva manifestement mieux, car il n’avait pas fini son repas.
Quelques instants plus tard, le jeune monseigneur étant repu, sa mère, à nouveau, me proposa de le tenir. Ce que j’acceptai volontiers.
Etais-je une sorte de vieillard Siméon ? Etais-je simplement le grand-père que je suis ? Devais-je dire « Nunc dimittis. Domine » car mes yeux ont vu et mes bras ont tenu le salut temporel de mon peuple ? (…)
Sur le chemin du retour, je songeai à ces quelques instants si simples et, pourtant, si pleins de sens. Le royaume de France, le style français, la façon d’être, notre art politique, c’est cette simple, douce et chaleureuse beauté. Une jeune maman et son enfant, pendu à son sein. Tableau de toutes les familles. Image de toutes les tendresses. Plus qu’un symbole pourtant, puisque ce petit bébé, normalement, est appelé à devenir un Roi.
J’ai tenu dans mes bras, non pas le crâne découvert d’un très ancien roi de mon pays, mais le petit corps tout chaud de celui qui est appelé à être le roi de demain. L’avenir dont on parle tant pour n’en faire que des discours de mensonge, le seul avenir sérieux, celui qui ne ment pas parce qu’il nous dépassera, et, sauf accident, sera quand je ne serai plus, est là. La France qui continue, le Royaume de France qui se moque du temps et de la mort, c’est ce petit bébé, au creux de mon épaule.
Il n’y a aucune sentimentalité dans ce propos, qui est pure, chaleureuse et exacte réalité. Et il y a une infinie douceur… en même temps qu’une très respectueuse crainte. Car, qu’y a-t-il de plus fragile, de plus vulnérable, qu’un bébé ? Fragile et fort comme l’espérance. Démuni, abandonné au soin de ses parents, sans qui il meurt, et invincible dans sa force qui plie tout à ses besoins. Insigne faiblesse et autorité sans réplique, à la seule condition qu’on l’aime.
Autour d’un bébé, la vie n’est qu’amour, ou il n’y a plus de vie.
Telle est l’origine, tel est le rythme, tel est le sens de l’art politique royal, à la française. Ailleurs, je ne sais pas. Peut-être est-ce ainsi ? Je ne l’ai pas vu. Je n’y étais pas. Mais ce soir-là, à Paris, à deux pas du dôme des Invalides, dans la chaleur de ce jeune foyer, dans sa noble et douce simplicité, j’y étais. J’ai vu. J’ai senti. J’ai touché. Mes bras ont tenu, mes lèvres ont embrassé, mes yeux ont contemplé celui que sa naissance – et toute notre histoire – appelle à être le royaume de demain. (…)
Amour, famille, avenir, tradition, héritage, promesse, force, douceur, combien, souvent, ces belles réalités sont-elles devenues de pauvres mots ? Que n’a-t-on pas caché derrière ces abstractions ? « Lorsque l’enfant paraît… », les vanités s’estompent. Je ne parle même pas de liberté, égalité, fraternité, et, encore moins, de ce plus froid des monstres froids, la République. Je parle du lait, du sein, et du sourire attendri de la maman, du regard attentif et très doux de son père, de la paix que rayonnent ces trois êtres qui ne sont qu’un. (…)
La vie en vrai est là. Le Royaume de France est là. L’Etat, celui qui porte, assume, incarne notre destinée et notre avenir, notre promesse, en ce Noël de l’an de grâce 2009, c’est le tout petit prince enfoui dans la tendresse de sa maman et que contemple, attendri et vigilant, le prince de la France, son papa. C’est le tableau de nos familles, de chacune d’entre elles, riche ou pauvre, du Nord, du Centre, de l’Est, de l’Ouest ou du Midi. C’est le vrai visage de l’espérance, et, beaucoup plus qu’une égalité, une réelle communion. »
Noël à la Maison de France, Noël pour la France…