Lundi après-midi, une partie de la Provence a été privée d’électricité durant plus d’une heure, suffisamment longtemps pour désorganiser la vie locale et surtout commerciale au-delà de ce temps de coupure électrique : il est vrai qu’aujourd’hui, tout est électrique, des balances aux distributeurs de monnaie, des réfrigérateurs aux « cartes bleues », des ordinateurs aux moyens de chauffage… Cette dépendance extrême de notre société à l’électricité peut s’avérer problématique, en particulier en ces temps de grand froid ou de « disette énergétique », au moment aussi où l’on cherche à diminuer l’impact des activités humaines sur l’environnement. Notre société est énergivore, voire « énergivorace », mais sait-elle encore exploiter les énergies naturelles, animales ou humaines, autres que fossiles ? Poser la question c’est déjà, en partie, y répondre…
Ce n’était pas, ce lundi, une panne mais bien un délestage volontaire pour éviter de « faire sauter le système » de tout le sud de la France : car la Provence, comme la Bretagne, ne produit pas l’électricité qu’elle consomme, et constitue ce que les spécialistes appellent une « péninsule électrique », presque totalement dépendante de l’extérieur pour ses besoins en électricité. Si l’on prend le cas de la Bretagne, celle-ci produit seulement 7 à 8 % de son électricité consommée, ce qui est évidemment problématique et peu viable à terme, un terme d’ailleurs de plus en plus proche…
Devant cette situation, que faire ? Là encore, il n’est pas de réponse unique mais un faisceau de réponses qui, par leur conjonction et soutien mutuel, peuvent permettre d’améliorer la situation et d’envisager l’avenir plus sereinement.
Tout d’abord, et tout simplement, économiser l’électricité : les appels du RTE (Réseau de transport d’électricité) de la semaine passée à destination des Bretons ont permis de faire baisser la consommation de 1 à 1,5 % aux heures de pointe et d’éviter la mésaventure provençale de lundi dernier. Cela étant, cela reste encore bien modeste et il semble utile de repenser le rapport des sociétés et des consommateurs à l’électricité : une attitude plus sobre s’avère nécessaire et peut d’ailleurs permettre de dégager un peu plus de pouvoir d’achat pour les foyers économes en allégeant la facture électrique. De multiples conseils pour parvenir à cette sobriété (qui n’est pas la privation !) sont aujourd’hui fournis par les organismes étatiques et les associations environnementales sans qu’il soit besoin ici d’y revenir maintenant.
Mais, au-delà, il faut mettre en place de nouveaux moyens de permettre l’indépendance énergétique (ou « la moindre dépendance ») des régions de Bretagne et de Provence.
S’il semble aujourd’hui délicat de construire une nouvelle centrale marémotrice en Bretagne (celle de la Rance, près de Saint-Malo, permet à elle seule de produire 3 % de la consommation électrique bretonne, ce qui n’est pas rien !), utiliser les mouvements des vagues pour produire de l’électricité peut être une piste (déjà exploitée par l’Ecosse, me semble-t-il), tout comme l’installation d’éoliennes au large des côtes ou d’hydroliennes sous l’eau, entre autres ! La Bretagne, comme la Provence, sont des régions côtières ou les énergies du vent comme des courants marins peuvent être utilement exploitées, des énergies qui ont l’avantage d’être éternellement renouvelables même si, à l’heure actuelle, elles nécessitent des équipements encore lourds et que ceux-ci doivent s’intégrer dans les paysages et non les défigurer comme c’est trop souvent le cas pour les immenses pylônes des éoliennes, si peu esthétiques ! On peut aussi évoquer l’énergie solaire, en particulier pour la Provence…
Ce qui est certain, c’est que l’occasion est offerte par l’actualité (et par la nécessité !) d’entamer une véritable mutation des modes de production électrique, vers une production plus propre d’une part, plus renouvelable d’autre part. C’est aussi le moment de repenser nos propres modes de consommation et nos capacités d’indépendance et de proximité énergétiques, pour préparer un avenir moins « fossile »…
Cette occasion sera-t-elle prise ? Il faut le souhaiter mais cela remet en cause quelques habitudes et quelques intérêts… Là encore, le Politique a le devoir d’intervenir, non par un étatisme étouffant, mais par l’impulsion et l’encouragement : or, la République, piégée par un système électoraliste qui empêche le long terme et corrompt le présent, peut-elle mener cette « révolution énergétique » ? Ne risque-t-elle pas de céder aux sirènes de la démagogie et de « l’immédiateté » qui lui font oublier d’imposer les intérêts des générations futures aux égoïsmes consuméristes du présent ? Il ne s’agit pas de tomber dans le piège d’une « écologie punitive » mais de permettre l’inscription dans la durée du Bien commun. Là encore, la République souffre de ses propres principes…
Si l’on veut une politique énergétique et écologique intelligente, raisonnée et durable, il paraît nécessaire d’inscrire le Politique lui-même dans la durée et, donc, l’Etat (ou sa représentation symbolique et active, c’est-à-dire sa magistrature suprême) dans la continuité pour éviter qu’une majorité gouvernementale défasse ce qu’a fait la précédente…
Et, d’ailleurs, qu’y a-t-il de plus naturel, de plus écologique, que la transmission d’un père à son fils du Bien qu’il a lui-même reçu en héritage avec le devoir de le préserver et de l’enrichir ? Dans la tradition capétienne, le Roi est aussi considéré comme « le jardinier de France »…
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