J’assistais cet après-midi à la réunion de présentation
de la réforme du lycée qui rentre en application dès septembre
prochain : au-delà du programme d’histoire de Seconde et de la suppression
de l’histoire comme matière obligatoire en Terminale S sur lesquels je
reviendrai ces temps prochains, il y a de profonds changements dans la
structure du lycée et de ses enseignements et je ne suis pas vraiment sûr que
ce qui nous a été annoncé aille dans le bon sens, celui d’une meilleure
maîtrise des connaissances et des savoirs et d’une réflexion approfondie sur
ceux-ci et le sens des choses… C’est même plutôt l’inverse !
La plupart des matières actuelles perdent des heures, y
compris les sciences physiques dans les filières… scientifiques ! Mais, ce
n’est pas encore le plus grave (même si cela l’est déjà !) : il y
a l’esprit même de cette réforme qui tend à transformer le lycée en une simple
préparation à l’activité économique alors qu’il devrait aussi jouer un rôle de
formation des intelligences, non comme un bourrage de crâne, mais comme
l’ouverture à la culture et à la réflexion. Susciter la curiosité, l’envie
de savoir au-delà de la simple utilité « économique » ou
« scolaire », voila ce que devrait permettre un enseignement digne de
ce nom, un enseignement qui cherche à « élever » les esprits
au-dessus des seules préoccupations matérielles ! Cela est-il absent
des projets présentés dans le cadre de la réforme ? Pas totalement car il
existera désormais des enseignements « d’exploration » dont les
thèmes sont fort alléchants et sur lesquels j’avoue que je ne bouderai pas mon
plaisir comme celui sur « l’écriture et l’engagement »… Mais
ces enseignements seront-ils assez attirants pour des élèves dont les choix
risquent de se porter, pour des raisons « d’efficacité », sur les
matières plus scientifiques ?
En fait, l’une des conséquences de cette réforme me semble
la promotion d’une sorte d’ « école à la carte » qui, en
fin de compte, pourrait bien entraîner la disparition des matières littéraires
comme les langues anciennes, désormais concurrencées par le chinois ou les
sciences économiques et sociales (SES), tandis qu’il sera possible de faire une
partie des enseignements scientifiques ou littéraires dans une langue
étrangère, en fait principalement l’anglais ! Cette dernière mesure, qui
nous a été présentée par notre proviseur comme étant inscrite dans la réforme,
risque d’aggraver le fossé entre les lycées « d’élite » qui
proposeront ce genre d’enseignement parce que le public (culturellement « favorisé »)
pourra s’y prêter, et les autres lycées où les élèves posséderont mal les bases
de notre langue et éprouveront alors plus de difficultés à suivre un
enseignement dans une autre langue…
Il y aurait tant à dire sur cette réforme ! Si tout
n’est pas négatif, sa logique est vicieuse et, surtout, marque la fin, déjà
bien avancée dans les faits, d’une certaine culture française, classique au
sens noble du terme, et d’une tradition d’enseignement diversifié et pas
seulement « globalisé ».
Et les profs là-dedans ? Qu’en pensent-ils,
qu’éprouvent-ils ? En fait, c’est le désarroi, le dépit, le découragement,
et l’impuissance… A la fin de la réunion de concertation des profs des matières
littéraires, j’ai d’ailleurs pris la parole pour que, avant d’évoquer en
réunion plénière notre choix sur les thèmes d’exploration avancés par les
documents officiels de la réforme, le rapporteur du groupe d’enseignants
souligne notre inquiétude, voire notre défiance (pour rester poli et
courtois…), à l’égard d’une réforme qui « divise pour mieux régner »
et démantèle, à y bien regarder, non pas tellement l’Education nationale qui
reste ce monstre bureaucratique et jacobin qu’il est depuis Jules Ferry (au
moins !), mais (et c’est plus grave !) l’enseignement « à la
française », fondé sur l’esprit de découverte et de discussion, sur la
« belle culture » et le débat, sur la rigueur intellectuelle
et la discussion argumentée…
Mais, cette réforme est-elle vraiment si étonnante de la
part d’une République qui s’est donnée pour président un homme qui n’aime ni la
littérature ni le bon vin ?
Merci pour cette mise en garde et cette analyse pertinente, j'apprécie de vous lire,
à bientôt,
JMarc
Rédigé par : JMarc | 05 février 2010 à 10:11
Vous devez choisir entre le bel esprit et la Rolex.
Sous le gouvernement des parvenus il n'y a pas photo.
Rédigé par : Catoneo | 05 février 2010 à 12:06
On vous attend dans le métro a coté des clodos.
On est assuré contre les pannes d'électricité : votre éloquence illuminera les couloirs.
Rédigé par : Anonyme | 09 avril 2010 à 17:08