Le président annonce une réduction du train de vie de l’Etat et en particulier de ses ministères, et cela arrive enfin mais bien tardivement ! Réduction du nombre de conseillers ministériels, diminution des frais de transport, de logement et de communications, suppression des chasses présidentielles et de la garden-party de l’Elysée du 14 juillet, etc. En période d’austérité générale et de diète sociale, ces mesures soulignent que l’Etat ne doit pas s’exonérer des efforts nécessaires au rétablissement des comptes publics et qu’il prend sa part des sacrifices qu’il demande aux Français. Attention néanmoins à ne pas donner au monde l’image d’un Etat austère qui renoncerait à rayonner à l’intérieur comme à l’extérieur, et aux « Marchés » celle d’un Etat qui obéirait à des règles purement comptables et qui oublierait son rôle premier, éminemment politique, de protection du corps civique et social de la nation et des Français dans leurs communautés et individualités !
Autant la réduction des salaires ministériels, mais aussi présidentiel (ce dernier ayant été fortement réévalué depuis 2007…), me semble une idée intéressante pourvu qu’elle reste dans la juste mesure, autant je suis moins certain que la suppression pure et simple des garden-parties de l’Elysée et des ministères soit vraiment une bonne chose : réduire les frais de celles-ci étaient possibles sans tout supprimer, ce qui risque d’entraîner une déconnection encore plus totale entre le Pouvoir et les citoyens dont quelques uns, reconnus pour leurs mérites ou invités pour représenter telle ou telle réalité sociale ou professionnelle, participaient à la fête. Ce que demandent les gens, la plupart du temps, ce n’est pas la suppression des fêtes ou des « mondanités » mais leur ouverture à d’autres que les « privilégiés », les habitués des réceptions et des buffets chics !
De plus, comment croire que les puissants de la République sont prêts à d’autres efforts que ceux utiles à la « com’ » gouvernementale en période d’inquiétudes sociales et de rigueur ? Lorsque le ministre de l’éducation nationale, un ancien de l’Oréal (décidément, on n’en sort pas !), et porte-parole de l’Elysée, M. Luc Chatel, explique aujourd’hui qu’il ne voit aucune raison à geler ou diminuer les salaires ministériels au moment même où les fonctionnaires vont devoir accepter ces mêmes mesures pour leur compte, le masque de cette « République exemplaire » que ne cesse à nouveau de brandir M. Sarkozy ne tombe-t-il pas ? « Selon que vous serez puissant ou misérable… », comme disait La Fontaine…
Je crains aussi que les mesures annoncées ne soient qu’un écran de fumée qui cachent des pratiques dispendieuses que l’Elysée n’a pas, visiblement, l’intention de cesser, telles que la mobilisation onéreuse et souvent inutile de forces de l’ordre pour telle ou telle visite présidentielle, alors que ces mêmes forces de l’ordre souffrent aujourd’hui d’un manque criant de moyens pour accomplir leurs missions au quotidien et dans les meilleures conditions. Sans oublier l’achat et l’aménagement d’un nouvel Airbus présidentiel, en soi pas forcément scandaleux, mais dont le coût devra être supporté par… le budget déjà fort réduit du ministère de la Défense !
En fait, l’Etat ne sera économe à bon escient que lorsqu’il ne sera plus l’objet des convoitises particulières de quelques arrivistes politiciens et qu’il sera inscrit dans le long terme et non dans ce temps bref du calendrier électoral et présidentiel. En économie(s) comme en politique, le temps peut être un allié précieux s’il n’est pas le seul maître de la « respiration politique de l’Etat » : la République n’a pas cette possibilité de voir au-delà d’une ou deux magistratures présidentielles, à moins de s’appeler De Gaulle, et encore ! La Monarchie a, elle, longue vue et bonne mémoire…