Les Verts étaient en université d’été ces jours derniers à Nantes : on aurait donc pu attendre d’eux des propositions écologistes sur les grands sujets actuels, après des débats passionnants (et passionnés…) et la confrontation constructive des idées, mais c’est la question de la présidentielle qui a dominé, en définitive… Nous revoilà encore en campagne présidentielle, ce que ressentent autant les médias que les citoyens dont la ligne d’horizon apparaît désormais être 2012. Depuis le référendum de septembre 2000 qui a confirmé le quinquennat par le suffrage universel, la République semble en « présidentielle permanente » : il n’est pas certain que cela soit une bonne chose pour le pays qui a, aujourd’hui et dans la tempête de la mondialisation, besoin d’inscrire ses politiques dans la durée et non dans l’agitation électorale qui impose souvent aussi démagogie et désordres, mais aussi une certaine paralysie de l’action gouvernementale.
Dans le même temps de cette amorce de rentrée politique que sont les universités d’été, les sondages se succèdent, les uns répondant aux autres dans une sorte de bataille de chiffres qui, à la longue, devient pesante et ridicule. Le dernier sondage en date publié dans « Libération » annonce qu’une large majorité de nos concitoyens souhaite la victoire de la Gauche face à M. Sarkozy, mais aussi (deuxième phase d’une opération médiatique en route depuis quelques mois déjà…) que le meilleur candidat face à l’actuel président serait M. Strauss-Kahn, actuel dirigeant français du FMI… Cela au lendemain de l’annonce des Verts de proposer Mme Eva Joly à l’élection de 2012, cette même candidate pressentie évoquant dans la presse le fait qu’elle a rencontré M. Strauss-Kahn lorsqu’elle le mettait en examen dans une des nombreuses affaires de corruption des années 90… Drôle d’ambiance ! Pas certain que cela redonne beaucoup de crédit à la politique dans notre pays…
Et pendant ce temps-là, les déficits s’accroissent sans fin, l’Etat semble dépassé par les événements (économiques comme politiques et sociaux) et « sur-réagit » à défaut de savoir comment simplement agir, la colère sociale (mêlée d’une sorte de fatalisme désabusé) monte dans le désordre des malaises particuliers (producteurs laitiers, enseignants, forces de l’ordre, ouvriers, etc.), l’insécurité ne disparaît pas, le chômage frappe à coups redoublés sur le secteur industriel, etc.
De Gaulle disait qu’après lui, ce n’était pas le vide qu’il fallait craindre mais le trop-plein : la multiplicité des candidatures à deux ans de l’élection le confirme une fois de plus mais l’on pourrait ajouter que le vide, celui des idées et des projets (plus que des programmes qui ne sont souvent que des catalogues sans beaucoup de fond et auquel plus personne ne croit vraiment…), est bien réel malgré le vacarme médiatique d’un Système de « politique spectacle » ou, dirait-on maintenant, « pipol », voire « bling-bling »…
Il est un risque à cette situation de « présidentielle permanente », c’est de voir le débat politique intéresser de moins en moins de nos concitoyens, et cette dépolitisation me paraît fort dangereuse car une Cité sans débat, sans discussion, est une Cité dévitalisée, déracinée, pour laquelle se battre semble vain et qui s’effondre, plus ou moins lentement, sur elle-même. Or, il n’y a pas de citoyens sans Cité : celle-ci est la condition de leur statut de citoyens, mais aussi de leurs libertés et de l’assurance d’icelles. A sa manière, Maurras traduisait cette nécessité d’une Cité vivante et protectrice, qu’il ne séparait pas de sa liberté essentielle : « De toutes les libertés humaines, l’indépendance de la patrie est la plus précieuse. ».
Une Cité sans vie civique, sans vie « démocratique » dirait-on aujourd’hui sans beaucoup de discernement ni d’explications, n’est plus une Cité et ses membres ne se sentent guère obligés par elle, au risque de ne plus vouloir s’engager pour elle. Mais il faut aussi que les citoyens, au-delà de leurs idées politiques et de leurs préférences idéologiques, aient conscience de l’importance première de la Cité, base de toute politique au point de lui en avoir donné son nom ! En Grèce, la Cité se dit « polis », ce qui a donné « politique » dans notre vocabulaire.
On a vu, dans l’histoire, combien cette attitude d’abandon (ou d’indifférence, par confort ou par dépit) par les politiciens comme par leurs électeurs de la conscience de la Cité comme « condition première de la citoyenneté » pouvait être périlleuse et mener au pire : doit-on rappeler, une fois de plus, l’année 1940 et son cortège de malheurs ? Il est de bon ton, aujourd’hui, d’accuser les généraux de l’armée française d’incompétence ou de défaitisme : si l’un et/ou l’autre ont été possibles pour certains d’entre eux, on aurait tort d’oublier les terribles responsabilités politiques des hommes de la IIIe (dont certains se recycleront, un temps, à Vichy : Schuman, le futur « père de la construction européenne » ; Laval ; Marquet ; et tant d’autres…) et le moral en berne d’une population « qui n’y croyait plus » dès les premières percées allemandes faites en mai 40… Et puis, comment peut-on oublier les campagnes anti-militaristes des années 30 (très actives parmi le monde enseignant) mais aussi les illusions européistes héritées de Briand qui ont désarmé moralement la France au moment de la montée des périls ? Les intentions généreuses des uns et des autres n’empêchent pas la rudesse des réalités géopolitiques qui, parfois, nécessitent, non pas d’abandonner l’idéal de paix et de concorde, mais de le penser dans le cadre existant et non dans le seul éther des idées ou des utopies !
Redonner le goût de la politique aux Français me semble un enjeu important pour la vie même de la Cité, mais sortir de la « présidentielle permanente » est devenu un préalable pour que les débats entre Français ne soient pas toujours pollués par cette « course à l’échalote » républicaine qui décrédibilise de plus en plus la fonction même de Chef de l’Etat, aujourd’hui assurée de façon partisane et non plus arbitrale. Mieux vaut des luttes et des débats politiques (et pas seulement sur le terrain électoral) sur les projets gouvernementaux ou municipaux (entre autres), pour la conquête des Pouvoirs politiques ministériels, législatifs, régionaux ou municipaux, que ces empoignades stériles pour la conquête de la seule fonction qui, à mes yeux, ne doit pas être élective : la magistrature suprême de l’Etat.
« Les républiques françaises sous le patronage et l’arbitrage du roi » : cette formule résume bien la nécessité institutionnelle d’une Monarchie « à transmission héréditaire » susceptible de libérer l’Etat des querelles pour « la première place » pour mieux rendre aux citoyens des pouvoirs politiques concrets et non plus seulement circonstanciels.
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