Ce vendredi sont réunis à Wroclaw les ministres européens des Finances sous la présidence de la Pologne, pour évoquer la crise de la zone euro et les moyens de sortir celle-ci du marasme actuel : alors que les populations sont de plus en plus réticentes à supporter une monnaie unique et un système économico-financier qui les étranglent un peu plus encore à chaque plan de « sauvetage », les gouvernements de l’Union et les institutions européennes semblent vouloir accélérer la « gouvernance », véritable mise à l’écart officielle et légale des peuples et officialisation d’une « démocratie confiscatoire » installée à Bruxelles et dirigée par des « gestionnaires » et des « experts », et non plus par des politiques au sens vrai du terme.
Le plus choquant dans cette réunion, au-delà de cette manœuvre européiste, est la présence du secrétaire états-unien au Trésor, Timothy Geithner, à l’invitation du gouvernement polonais ! Ainsi, celui-ci va, non seulement émettre des conseils (ce qui n’est pas, en soi, malvenu) mais aussi ce que l’on peut qualifier de « consignes », comme si les États-Unis avaient vocation à contrôler ou à diriger l’Union européenne ! Sommes-nous revenus à l’époque du Plan Marshall et de la Guerre froide des années 50, en ces temps où l’Oncle Sam dictait, discrètement ou non, leur politique aux gouvernements de l’Europe de l’Ouest, par le biais d’un Monnet ou d’un Schuman ? Où est l’indépendance européenne, celle pour laquelle militait de Gaulle contre l’avis même des atlantistes issus des milieux de la triste Quatrième République ?
Le Figaro dans son édition du jeudi 15 septembre précise l’esprit dans lequel vient M. Timothy Geithner, et les lignes suivantes sont fort révélatrices, et ont de quoi faire enrager ceux qui croient encore que la liberté et le destin de notre pays ne se fondent, ni ne se forment ailleurs qu’en son sein, capitale politique ou gouvernement (fût-il en exil...) ! : « Tim Geithner juge que les Européens ont fait des progrès depuis un an. (…) Il encourage maintenant ses partenaires à persévérer dans les réformes de gouvernance qui « combleront les lacunes de la construction de la zone euro ». Il pousse ainsi à la mise en place de réformes obligeant le respect effectif de la discipline fiscale et la coordination réelle des politiques budgétaires des pays de la zone. ». Et le site internet de « La Tribune » de préciser, aujourd’hui même, que « invité de la réunion informelle des ministres européens des finances à Wroclaw, en Pologne, Timothy Geithner a tenu des propos fermes ce vendredi et fait une proposition concrète. Le secrétaire américain au Trésor a appelé les Européens à mettre un terme aux « propos inconsidérés » sur un possible démantèlement de l’euro. Il a engagé Américains et Européens à travailler plus étroitement pour surmonter la crise de la dette. D’autre part, il a pressé les Européens d’utiliser le principe d’un démultiplicateur pour maximiser la puissance de tir du Fonds « zone euro » et éteindre la crise de la dette (...) ». De plus, il refuse la mise en place d’une taxe sur les transactions financières, proposée par plusieurs gouvernements européens, et somme même les Européens d’abandonner cette idée ! On croit rêver, ou plutôt cauchemarder...
La ministre autrichienne des Finances, Maria Fekter, n’a pas hésité, elle, à ironiser sur cette intervention incongrue des États-Unis dans les affaires européennes : « Je trouve bizarre qu’alors même que les Américains ont des fondamentaux bien plus mauvais que ceux de la zone euro, ils nous disent ce qu’on doit faire et que lorsque nous leur faisons une suggestion, ils disent « non » immédiatement (…). J’aurais espéré que lorsqu’ils nous disent comment ils voient le monde, ils écoutent ce que nous avons à leur dire. » Il est fort dommage que ce ne soit pas un ministre français qui ait rappelé ces évidences simples...
C’est aussi le ministre allemand de l’économie, Wolfgang Schaüble, qui a fait remarquer au secrétaire états-unien au Trésor qu’ « il était très improbable qu’il soit possible de faire peser ce fardeau [engager des fonds publics supplémentaires pour assurer la stabilité financière de la zone euro] sur les contribuables, en particulier si ce fardeau est imposé aux pays AAA. »
Les États-Unis n’ont effectivement pas de leçon à nous donner, au regard de leur propre situation financière, mais ils jouent leur jeu, avec le soutien de quelques pays européens et de certains financiers pour qui Washington reste le centre de cette « gouvernance mondiale » dont ils rêvent, au-dessus des peuples et des nations du « Vieux continent ».
Or, il n’y aura pas d’Union européenne qui tienne et qui vaille sans indépendance de cet ensemble à l’égard des grandes puissances extérieures au continent historique européen comme les États-Unis, la Chine ou autres... Il n’y aura pas d’ « Europe puissance » sans l’affirmation de cette indépendance politique et économique et sans la volonté de s’émanciper des oukases des féodalités financières comme de ceux des tenants d’une gouvernance économique mondiale.
Il faudrait, pour dire haut et fort ces vérités politiques et pratiquer ces nécessités géopolitiques, des États sûrs d’eux-mêmes et d’abord une France libre d’être et d’agir : la République, obnubilée par la prochaine course présidentielle et empêtrée dans ses multiples « affaires », est-elle capable de porter cette parole forte et nécessaire dans un monde incertain ? J’en doute... et je le regrette !
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