En 1936, l'Allemagne est sous la coupe des nazis mais les Allemands sont, pour une large part, des victimes consentantes, voire des coupables pour certains, n'en déplaisent aux « effaceurs d'histoire » d'aujourd'hui : la République de Weimar ne s'est pas défendue, sans doute parce qu'elle n'avait pas des raisons suffisantes pour s'opposer à Hitler, ou plus exactement qu'elle n'avait pas de valeurs suffisamment solides pour résister à la poussée mortifère d'un totalitarisme qui n'attendait que de naître quand Hitler gravissait les marches de la chancellerie à Berlin, ce 30 janvier 1933 de sinistre mémoire. Certains pourraient voir dans mes propos des relents de germanophobie, mais ce serait un peu réducteur, et j'ai trop aimé lire Ernst Jünger pour céder à ce sentiment moins raisonnable que passionnel, même s'il me reste, au regard de l'histoire des derniers siècles européens et de cette « maudite unité de 1871 », une certaine défiance à l'égard d'une Allemagne trop fraîchement unie pour ne pas rêver d'empire, fut-il simplement économique...
S'il en est un qui n'aime guère l'Allemagne jacobine née de Bismarck et rassemblée sous le drapeau de la Prusse willhelmienne, c'est bien Friedrich Reck-Malleczewen, aristocrate allemand, catholique (il s'est converti en 1933) et monarchiste, et violemment antinazi, d'un antinazisme viscéral, sans aucune nuance car, à le lire, il est évident que l'on ne peut pactiser avec le diable sans renoncer à sa propre liberté et à sa propreté d'âme. Dans son journal des années 1936 à 1944, publié aujourd'hui sous le titre « La haine et la honte », Reck-Malleczewen se livre sans retenue et n'avoue aucune concession au nazisme ni à ses servants : quand le communiste Jacques Duclos martelait à la Libération, une fois le danger nazi écarté et éloigné, qu'il « faut savoir juger avec haine », Reck-Malleczewen, lui, n'attend pas la défaite d'Hitler (une défaite qu'il souhaite de tout son cœur et de toute son âme, au risque de choquer bien des Allemands seulement patriotes) pour vouer une haine terrible, incandescente, périlleuse aussi, à ce « caporal de Bohême » (selon l'expression du maréchal Hindenburg) qui mène l'Allemagne à sa perte et, au-delà, pire même, au déshonneur.
Dans notre monde contemporain qui se pare de grands principes et vit de petite vertu, la haine est un sentiment abhorré, dénoncé comme une maladie grave de l'esprit, et qui apparaît comme le moteur du totalitarisme mais qui est aussi celui de son antidote, qu'on le veuille ou non : le temps du combat contre l'hydre, Reck-Malleczewen la cultive, non par peur ou par désespoir, mais en pleine conscience et, en monarchiste conséquent, avec cette espérance chevillée au corps que peut soutenir une foi religieuse ou/et une forte motivation politique. Dans le même temps, il s'enthousiasme tristement pour Hans et Sophie Scholl, jeunes résistants allemands engagés contre le pouvoir nazi et qui lui semblent, par leur martyre, annoncer la fin prochaine de ce qu'ils combattaient et ont, selon ses propres termes, « répandu une semence (…) qui lèvera demain », lorsque la Bête sera abattue.
Reck-Malleczewen ne verra pas la fin de la guerre : il s'éteindra à Dachau, en février 1945, quelques mois avant la mort de celui qu'il nommait avec mépris « ce Machiavel prêcheur » (ce qui n'est guère sympathique pour le Florentin auteur du « Prince »...) ou « un avorton fait d'immondices et de purin ». Reck-Malleczewen, ce monarchiste intraitable n'aura alors rien cédé de sa détestation envers le nazisme, mais, dans une dernière lettre posthume et parce que le temps du combat s'achève (même si lui-même n'en connaîtra pas le terme souhaité), il expliquait « qu'il avait triomphé de l'aigreur et de l'amertume, « ce cancer de l'âme » : pour honorer sa mémoire, il demandait qu'on répondît au mal par la bonté » (1), attitude toute chrétienne et digne des martyrs des temps néroniens... Un beau modèle de résistant anti-totalitaire, à méditer et à suivre !
(1) Pierre-Emmanuel Dauzat, dans sa préface au livre.
Jean-Philippe Chauvin n'oubliez pas deux rencontres au centre Bernanos en avril 2016 , sauvez ( retenez la date la date. C'est long, soyez là
D'abord le 1 avril à 20.30
"La rose blanche
une clarté dans la nuit allemande
Conférence et lecture en scène par Henri Peter
avec Clémentine Stépanoff
20h30
Les itinéraires d’Hans et de Sophie Scholl à travers leur correspondance et leur carnet. Un cheminement spirituel de deux âmes libres et ardentes.
Vendredi 8, samedi 9 et dimanche 10 avril
Edith Stein - Un chemin vers la joie...
Spectacle musical avec Clémentine Stépanoff accompagnée de Yuko Uno, pianiste
20h et dimanche 17h
Un spectacle poétique et musical alternant des textes d'Edith Stein et
la musique sacrée de Bach et de Vivaldi.
Dans les deux cas Clémentine Stépanoff iullumine la soirée par sa chaleur et son enthousiasme au service de Sophie Scholl et de Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix, plus connue sous le nom d'Edith Stein, toutes deux ont allumé la flamme de la Résistance, qui nous éclaire encore aujourd’hui , sans oublier Hans bien sûr et ses amis.
H.P.
PS:
Je n' 'ai pu aller sur votre site sur Facebook , mais vous pouvez répercuter l'information plus tard ou maintenant
Rédigé par : Henri Peter | 17 octobre 2015 à 19:19