"La situation se corse", plaisantait un journaliste à l'occasion de la mutinerie des marins de la SNCM. Bien sûr, force est restée à la loi, mais il reste de toute cette équipée une certaine impression de désordre et de malaise.
Désordre, car une révolte de marins, en 2005, dans notre pays, apparaît comme incompréhensible dans une démocratie qui croit que les élections sont l'alpha et l'oméga des "sentiments" sociaux et politiques.
Malaise, car la décision "irrévocable" (sic) de la privatisation "à 100 %" annoncée lundi dernier par le Ministre des Transports, s'est transformée, sous le choc d'événements multiples, en une privatisation "partielle"... Ainsi, la parole de l'Etat semble soumise aux vents des émotions et des colères, et non plus à la raison politique, ou à sa stratégie. En somme, la parole de l'Etat vaut ce que vaut le rapport de force entre celui-ci et ses contradicteurs. Et l'Etat républicain, par ses fanfaronnades et ses retournements, apparaît comme un acteur peu sûr de son texte, enclin à improviser sans gloire ni talent...
Quel gâchis! La France, qui pourrait s'engager dans une politique novatrice et audacieuse des transports, qui devrait lancer un grand programme d'aménagement du territoire et des communications (terrestres et maritimes), qui devrait impulser un vaste chantier de recherche énergétique (à l'heure -tardive- où les sociétés prennent conscience de la nécessité d'une alternative aux énergies fossiles), se révèle incapable d'une vision à long terme. La seule ligne d'horizon semble être 2007, et l'élection-reine, l'élection-"faiseuse de rois"(sic!), l'élection présidentielle.
Quel gâchis! Alors que la SNCM pourrait jouer un rôle dans la revitalisation des communications maritimes entre la Corse et le continent (en particulier par des parcours plus diversifiés, par des circuits "autour de la Corse", par des activités ludiques appropriées aux parcours et au temps de voyage, etc: liste non exhaustive de propositions), l'Etat républicain (mais aussi certains syndicalistes peu enclins à sortir d'une routine pourtant suicidaire) brille par son absence totale d'imagination et de perspectives véritables dans le domaine du transport maritime et de son développement intelligent. "Il lui manque la durée", me souffle-t-on. La durée et la volonté de faire durer ce qui doit durer! La Vème République, affaiblie par le quinquennat et la "présidentielle permanente", manque de ce souffle nécessaire aux grandes oeuvres.
"L'Etat au souffle long", pourtant, est possible et, bien plus que cela, nécessaire. Le souffle long de la vie qui se transmet du père au fils, au sommet de l'Etat: n'est-ce pas là la principale caractéristique, par son essence même, de la Monarchie héréditaire ?