Lors de mon séjour en Bretagne, je suis allé visiter le "Musée de la chouannerie et des guerres de l'Ouest" à Plouharnel, non loin de Quiberon.
Cette page d'histoire de France est souvent méconnue ou travestie, en particulier dans les manuels scolaires dont Marcel Pagnol disait qu'ils sont les livrets de propagande de la République en place. Elle n'en est pas moins importante à connaître, voire à étudier, dans ses causes comme dans ses effets et conséquences.
Elle montre, en particulier, que la République, qui se réclame de la "souveraîneté du peuple", n'est pas toujours "populaire" et qu'elle n'hésite pas, par idéologie, à tirer sur le peuple réel quand celui-ci ne correspond pas à ses théories ou ne répond pas à ses souhaits.
La chouannerie dans l'Ouest (Bretagne, Maine, Normandie) comme le soulèvement vendéen montrent cette fracture entre les "classes populaires" (en particulier celles enracinées des campagnes) et une République "urbaine" et soutenue par les "nouveaux riches" et la "classe discutante", selon la formule de Max Weber.
Deux siècles après, le rejet de l'Union européenne telle qu'elle se construit (c'est-à-dire de façon trop technique et trop éloignée des réalités humaines, économiques, sociales et culturelles des populations réelles d'Europe), rejet révélé par la victoire du Non au référendum français sur la Constitution européenne, semble être une forme de "nouvelle chouannerie". Là encore, ce sont les catégories les plus rurales, les mieux enracinées et les plus populaires, qui ont dit "non". Les "résistances à la construction européenne" sont aussi diverses, complexes et parfois contradictoires dans leurs motivations, que les "résistances à la Révolution" d'il y a deux siècles. Elles posent néanmoins un certain nombre de questions que la Cinquième République apparaît bien incapable de résoudre. Même si la tâche n'est pas simple ni facile, la Monarchie, qui crée de par son essence un lien particulier et sentimental (et néanmoins éminemment politique) avec les populations du pays ("les peuples de France", disait Louis XVI), serait le meilleur moyen de réintroduire la proximité entre l'Etat, les pouvoirs publics locaux et les citoyens. Ce "jeu à trois" institutionnel redonnerait à la politique ses lettres de noblesse et de la crédibilité, et aux citoyens des pouvoirs concrets au travers de leurs communautés locales (communales ou provinciales) et socioprofessionnelles.