Aujourd’hui mercredi, réunion des profs d’Histoire pour une initiation aux joies de l’informatique dans la réalisation de documents destinés aux élèves tandis que, dans le même temps, le Conseil régional d’Ile de France distribue une clé USB aux élèves des classes de Seconde et aux enseignants de celles-ci : la craie et le tableau noir s’éloignent... A tout cela, il y a un étrange paradoxe : au moment même où l’on parle d’économies d’énergie sur tous les tons et en tous les domaines, ce qui me semble fort honorable, on incite les profs comme les élèves à pratiquer l’ordinateur de façon intensive, durant les cours eux-mêmes comme à la maison, en insistant sur le côté ludique plus que sur l’effort ou le travail nécessaire pour acquérir des connaissances et développer la réflexion. Or, les activités informatiques restent encore fort énergivores et il me semble que les manuels, aussi incomplets et partiaux puissent-ils être, risquent fort, si cela continue, de ne plus servir qu’à caler la table quand celle-ci est branlante. Cette informatisation de l’activité enseignante, si elle peut être un moyen intéressant pour qui le maîtrise vraiment et sait aussi s’en passer, risque bien de réduire la fonction de transmission à celle, moins formatrice, de communication. Je ne suis pas certain que le métier de professeur en sorte grandi ou revalorisé, puisque les informations pêchées sur la Toile seront considérées aux yeux des consommateurs de connaissances comme valant dix fois (par la force de l’image et de la modernité) le discours ou le raisonnement, parfois plus abrupt et moins « festif », de l’enseignant... Il est vrai que ce n’est pas toujours immérité quand on entend les propos si peu historiques de certains qui se targuent d’être profs d’Histoire, en particulier lors de certaines manifestations « moralisatrices » et « politiquement correctes », et qui alignent préjugés et contrevérités devant des micros tendus complaisamment. J’ai assez souffert lors de mes études de lycéen de certaines pratiques professorales qui consistaient à nous fourguer une sorte de brouet malodorant à connotation marxisante (mais sans l’intelligence de Marx) et à réprimer le garnement qui rechignait à avaler ces sornettes, pour ne plus vouloir de ce genre de procédés si peu dignes du métier de professeur.
Cela dit, l’informatique appliqué à tout et à tous n’est que l’illusion de la connaissance et le substitut de la liberté et de la réflexion : en somme, un « cerveau de remplacement » qui répond d’un clic et évite la fatigue d’une pensée, puisque, suprême progrès, « la Toile pense pour vous »... Dans mes quêtes de documents historiques ou géographiques sur la Toile, j’ai constaté combien les moteurs de recherche pouvaient, malgré l’apparente profusion de liens et de pages annoncées, orienter vers des impasses ou, encore plus grave, « oublier » des pages pourtant fort pertinentes. Sans y déceler un hypothétique complot, j’y vois surtout une insuffisance dramatique, plus efficace que toutes les censures, puisque ce qui n’apparaît pas sur la Toile semble ne plus avoir d’existence pour ceux qui y cherchent toutes les solutions et réponses.
En somme, utiliser les possibilités formidables de l’informatique et de la Toile ne doit pas nous faire abdiquer notre liberté première de réfléchir et de chercher, à notre rythme et à notre mesure, à connaître et à comprendre, voire à critiquer. Liberté de l’esprit...
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