L'économie française ne crée plus d'emplois, constatait "Le Figaro" il y a quelques jours: cela n'est guère rassurant, car cela signifie que le travail précaire se renforce au détriment des métiers enracinés et des emplois stables. Le triomphe du "nomadisme industriel" se marque par des délocalisations de plus en plus fréquentes et des drames sociaux qui touchent, directement ou indirectement, de plus en plus de familles et de personnes. Certains, au nom du "Libre Marché", s'en satisfont en comptant sur l'auto-régulation de l'économie: c'est faire preuve d'un grand optimisme, pas exactement confirmé par les faits jusqu'à présent.
Une Monarchie sociale ne laisserait pas faire les seules forces du Marché, ne serait-ce que pour une raison simple: la Monarchie, qui repose sur la transmission familiale, sur le caractère le plus naturel de la condition humaine (la naissance au sein d'une famille), peut résumer son éthique sociale par la formule "L'économie doit être au service des hommes, et non l'inverse". Cela signifie que la Monarchie, dont le principal devoir est d'assurer la protection (diplomatique et militaire, comme économique et sociale) du pays et de ses habitants, ne peut accepter que l'Economique s'impose au Politique et néglige ses obligations sociales premières.
Cela veut-il dire que la Monarchie ne respecterait pas la "liberté économique" ou imposerait une "dictature étatiste" ? Bien sûr que non! Mais il s'agit pour l'Etat monarchique de faire respecter, par l'action déterminée et raisonnée de ses institutions, conseils et organes, les grandes valeurs humanistes et personnalistes (au sens premier du terme, fort distinct de l'individualisme propre à l'idéologie libérale) et l'intérêt commun de notre pays et de ses citoyens.
Mais comment faire ? Sans doute l'une des premières tâches de la Monarchie sociale sera-t-elle d'impulser une grande politique d'Aménagement du territoire et de "relocalisation des activités productives" (y compris dans le domaine agricole, qui peut s'avérer très intéressant au regard des nouvelles tendances alimentaires et énergétiques): il n'est pas à négliger que la France dispose d'un vaste territoire, doté d'un réseau fort complet de voies de communications et de transports, et d'un maillage communal qu'il serait dommage de ne pas mettre en valeur. Plutôt que délocaliser les entreprises à l'étranger, il s'agirait, par une politique d'incitation fiscale ou financière plus audacieuse que celle d'aujourd'hui, de les maintenir sur notre territoire, et pas forcément dans les seuls grands centres urbains aux loyers trop élevés (en particulier pour les populations ouvrières). Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres propositions: ce ne sont pas les idées qui manquent en France, mais la volonté politique pour les mettre en pratique, pour briser un certain nombre de carcans administratifs inadaptés aux enjeux contemporains et pour "faire bouger les lignes"...
La Monarchie serait, non une fracture, mais une rupture avec la politique de la Démission propre à l'Etat actuel. Sans doute devra-t-elle prendre des risques, mais la Monarchie active "à la française" n'a pas vocation à l'immobilisme et à la facilité, et ce sera particulièrement vrai dans les premiers temps de "l'Instauration monarchique". Face à la globalisation et au néo-nomadisme financier et industriel, la Monarchie, de par la continuité inscrite dans son principe dynastique, peut "parler de plus haut" et agir, non contre les forces économiques, mais au-delà des féodalités financières.
Dans l'Histoire de notre pays, l'Etat royal a montré, maintes fois et parfois contre le cours même de l'idéologie dominante (hier religieuse, aujourd'hui économique), ses capacités d'adaptation et d'action: c'est d'ailleurs ainsi qu'il a fondé la France, qui n'était pas encore une évidence au Moyen-âge, et qu'il a forgé sa puissance. La Monarchie, pour réussir son Instauration populaire, se devra d'être sociale. Les Français ne lui pardonneraient pas de renoncer à sa principale mission, à ce qui peut fonder une nouvelle légitimité: la justice sociale.