Je me méfie toujours des sondages et de l’usage que l’on peut en faire, en particulier dans les campagnes électorales, mais ils ne me semblent pas pour autant totalement inutiles ni négligeables. A l’heure où les observateurs politiques ont les yeux rivés sur les courbes des intentions de vote pour l’élection présidentielle, un sondage sur « la monarchie et les Français » effectué par BVA à la demande d’Yves-Marie Adeline, candidat royaliste déclaré à défaut d’être parrainé, vient d’être publié par le quotidien « France-Soir » dans son édition du jeudi 8 mars 2007. Il a le mérite de nous permettre d’apprécier la perception du régime royal dans la population française, et de cerner quelques uns des problèmes qui affectent l’image de la Monarchie en France. Il sera bon d’y réfléchir et de travailler à modifier certains aspects de notre discours qui tendent à discréditer ou à brouiller notre message monarchique.
A la question : « Seriez-vous favorable ou opposé à ce que la fonction de Chef de l’Etat en France, comme dans d’autres pays européens, soit assumée un jour par un Roi ? », 3 % répondent « tout à fait favorable » et 14 % « plutôt favorable », soit 17 % de personnes sondées « favorables » à la Monarchie. Après tant d’années de République et malgré l’éloignement dans le temps et dans le « champ des possibles » de la Monarchie, ce résultat n’est pas si mauvais que cela, même s’il reste très lointain de nos espérances (qui ne se limitent pas à une simple majorité plus une voix, comme en République électorale
). Il importe au moins, dans les années prochaines, d’élargir ce qui ne doit être vu que comme une « base de départ », même si ce n’est ni le consensus ni le plus grand nombre qui nous semblent déterminants, mais bien plutôt la nécessité et « l’occasion » historique et politique qui font de la Monarchie le régime le mieux à même d’incarner l’avenir et la pérennité françaises.
Une autre partie du sondage porte sur « les conséquences perçues de l’instauration de la royauté » : « Si en France la fonction de Chef de l’Etat était comme dans d’autres pays européens, assumées par un Roi, cela aurait-il d’après vous des conséquences plutôt positives ou plutôt négatives pour : », et cinq éléments sont évoqués :
- « L’image de la France dans le monde » : 24 % des sondés penchent pour la réponse « Plutôt positive » contre 68 % « Plutôt négative » et 8 % sans opinion. Le Prince Jean, par ses nombreux voyages à l’étranger, dont le prochain dans quelques jours en Pologne, travaille à répondre à ceux qui s’inquiètent de l’éventualité royale pour la France. Il suffit de se reporter aux réactions dans les pays qui ont reçu le Prince pour montrer que la Monarchie, même « absente » sur le plan institutionnel français, continue, à travers les descendants du dernier roi ayant régné en France, à jouer un rôle dans notre présence au monde
- « L’unité nationale » : 23 % répondent « Plutôt positive » contre 69 % « Plutôt négative » et 8 % sans opinion. La crainte de nombreux sondés tient sans doute à l’impression qu’instaurer un nouveau régime, autre que la République qui s’est toujours revendiquée comme « une et indivisible » et comme la seule forme possible et acceptable de l’Etat en France, risque de diviser le pays de manière irréversible. La politique du Prince Jean qui consiste à assumer toute l’Histoire de France, à vouloir la continuer sans en effacer le passé, glorieux ou sombre, le place comme un « héritier » (même s’il peut être critique, personnellement, sur tel ou tel épisode de notre « roman national ») et non comme un destructeur ou un « négateur » de ce qui a été.
- « La stabilité du gouvernement » : là encore 23 % seulement répondent « Plutôt positive », mais sans doute faut-il rappeler que le Roi, s’il peut « gouverner », n’est pas le Gouvernement mais l’Autorité qui indique les grandes lignes du « projet politique français » et incarne la France aux yeux des autres pays, tandis qu’elle assure la continuité de l’Etat, y compris dans les temps de crise politique, gouvernementale ou parlementaire.
- « La place de la France dans l’Union européenne » : 20 % y verraient des conséquences plutôt positives, ce qui, là encore, est bien faible. Or, l’U.E. aurait tout à gagner dans l’instauration d’une Monarchie qui, par sa nature même et par ses alliances matrimoniales historiques, représente bien le caractère d’une Europe, non pas technocratique, mais humaine et familiale, une Europe qui se fait par les personnes et non par les bureaux et les règlements. Bien sûr, la conception capétienne de l’Europe, que le général de Gaulle avait cherché à poursuivre à sa manière propre, risque de ne pas entrer dans les calculs de la Commission actuelle qui pense en « économique » plus qu’en « politique ». Mais, n’est-il pas du devoir de la France de savoir proposer un « autre modèle » que celui actuellement dominant ?
- « Les libertés individuelles » : le résultat de la réponse « Plutôt positive » n’est que de 17 % contre 72 % pour « Plutôt négative » et 11 % « ne se prononce pas ». C’est sans doute là que l’on touche le plus aux conséquences de l’Histoire et de son enseignement par une Ecole qui a souvent joué un rôle de justification et de légitimation de la République par le dénigrement de ce qui a précédé celle-ci. Et pourtant ! Les royalistes n’ont cessé de se battre pour les libertés, en particulier provinciales et professionnelles, et la Décentralisation, voire le fédéralisme national, est l’une de leurs revendications constantes, à relier à leur méfiance à l’égard de tout jacobinisme ou esprit uniformisateur. Là encore, un travail d’explication s’impose dont il ne sera pas possible de faire l’économie au risque de voir cette image dégradée de la Monarchie perdurer
Ce sondage peut, par certains aspects, apparaître un peu désespérant : au contraire, il doit nous forcer à être « meilleurs » dans la présentation et la promotion de nos idées monarchiques, sans oublier cette formule mille fois répétée, de façon parfois plus incantatoire que raisonnée : « Le désespoir en politique est une sottise absolue »
Vaste programme
Mais quel enjeu ! Il me semble qu’il en vaut la peine