La guerre ne prend pas de vacances, malheureusement, et l’actualité est pleine aujourd’hui des fureurs de Mars au Liban et en Israël, mais aussi en Irak où la guerre civile et interreligieuse entre chiites et sunnites déchire le pays tout entier, avec des affrontements et des attentats quotidiens. Il y a aussi ces guerres « discrètes » ou oubliées, souvent parce que les médias n’y font pas écho en Occident, en particulier en Afrique subsaharienne, et ces « guérillas » qui harcèlent de nombreuses Etats par des actes de terrorisme ou des enlèvements spectaculaires.
La France et les pays d’Europe sont épargnés par ce fléau depuis de longues décennies, en tout cas sur leurs territoires, si l’on excepte les guerres coloniales des années 50-60 et les interventions extérieures, ou les guerres en ex-Yougoslavie qui ont ensanglanté les années 1990. Mais cela ne doit pas nous faire oublier que le danger, s’il semble écarté (mais le terrorisme n’est-il pas une tentative de réintroduire la peur et la haine dans nos sociétés ?), n’est pas si éloigné sur une planète de plus en plus « globalisée ».
Face à la nouvelle donne internationale et aux incertitudes qui pèsent sur notre monde, les beaux discours et les grands principes ne suffisent pas toujours : aussi, pour pouvoir peser plus efficacement sur la scène diplomatique, l’importance de la force militaire ne doit pas être négligée, comme nous le montrent les grandes puissances actuelles, par exemple la Chine ou les Etats-Unis. « Si vis pacem, para bellum » (« si tu veux la paix, prépare la guerre »), proclame le proverbe latin, et l’Histoire a effectivement montré que cette formule n’était pas vaine : souvenons-nous que, lorsque la force française s’est trouvée diminuée et, en tout cas, moins efficace que celle des pays qui l’entouraient, c’est la France toute entière qui a souffert la défaite, en particulier en 1940
Sans doute faut-il aussi évoquer l’état d’esprit qui, lorsqu’il est à la démission, se prépare la défaite et la honte, comme le soulignait le général de Gaulle mais aussi Winston Churchill après la conférence de Munich de septembre 1938.
Aussi, au-delà même d’une politique de dissuasion propre à la France (et qui ne soit pas soumise à l’Union européenne, trop ambiguë sur la question des alliances et des stratégies géopolitiques), sans doute est-il nécessaire de renforcer le sentiment d’appartenir à une communauté, la nation, qui, sans être le seul cadre d’appartenance et d’enracinement des personnes, est ce « plus vaste des cercles communautaires » vécu concrètement par les citoyens : cela ne doit pas être compris comme un « chauvinisme » agressif ou cocardier (caricature souvent ridicule mais parfois dangereuse, voire criminelle, du patriotisme) mais comme la simple reconnaissance que, n’ayant pas choisi le lieu de notre naissance ni notre communauté d’accueil, le mieux est de l’assumer, ce qui n’empêche pas de garder, ou d’user, de la liberté de se déplacer et, parfois, de renoncer à cette « solidarité nationale » qui, pourtant, nous a souvent fait, malgré nous, ce que nous sommes. C’est aussi le moyen, en « étant de quelque part », de ne pas être considéré comme un simple « pion » interchangeable et sans attaches, condamné à être déplacé selon les besoins de l’économie
Et, surtout, même en ces temps de « mondialisation » (le terme exact serait en fait celui de « globalisation »), il n’est pas inutile de rappeler que l’enracinement, qui ne doit pas être que culturel ou religieux (comme essaient de le faire croire les communautaristes, qui prônent un repli sur une appartenance limitée à un aspect qu’il considère comme « l’essence » de leur humanité, par exemple la religion ou l’ethnie), est nécessaire pour accéder à l’universel : plus les racines, historiques entre autres, plongent profondément dans le sol de l’humanité et du temps, plus les branches peuvent monter vers les cieux et les fleurs s’ouvrir dans toutes les directions
Cette conscience nationale, qui ne doit pas devenir un repli sur soi mais l’utilisation raisonnée et volontaire de toutes les forces et les intelligences que nous avons en nous, est le moyen de ne pas céder au fatalisme, cet allié des renoncements et des défaites sans honneur. Car la force d’une nation et sa capacité à éviter, ou à éteindre, les guerres (y compris loin de son propre territoire) dépendent autant des armes de Mars que de celles de l’esprit et du politique. Si l’Etat ne peut pas tout, et c’est d’ailleurs tant mieux car l’étatisme est une dérive qu’il faut éviter, c’est lui qui tient les rênes d’une nation et, souvent, de son destin : « tant vaut l’Etat, tant vaut sa raison » écrit Maurras. Malgré les efforts de M. Chirac, ce n’est pas sous une République qui met l’Etat aux enchères tous les cinq ans que la diplomatie française peut être la plus efficace : là encore, il manque le long terme, comme l’évoquait Michel Serres.