L’affaire Redeker que j’évoquais dans une précédente note a suscité de nombreuses réactions au lycée Hoche, en particulier parmi le corps enseignant. J’avais affiché dès lundi la note de mon blog intitulée « Un philosophe menacé de mort » sur le panneau de débats de la salle des profs, et un de mes collègues de philosophie, choqué par la situation faite par les menaces islamistes à Robert Redeker, a décidé de créer un « Collectif libertés » pour dénoncer de telles atteintes à la liberté de pensée et d’expression. En même temps, il a diffusé largement un texte du philosophe daté de 2003 sur le concept piégé d’ « islamophobie », texte qui a connu un grand retentissement parmi les enseignants, et qui dénonce les pressions des islamistes sur nos sociétés. En voici quelques extraits qui me semblent significatifs : « Il n’est pas innocent que le vocable d’ « islamophobie » ait été forgé initialement (dans les années 1970) par les islamistes radicaux s’attaquant aux féministes.
La guerre contre les femmes est le berceau de ce terme ; ainsi, Kate Millet, célèbre militante du mouvement de l’émancipation féminine, fut violemment insultée puis traitée d’islamophobe pour avoir incité les iraniennes au refus de porter le voile. (
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Dans les années 1990, le terme d’ « islamophobie » a été diffusé plus largement par les islamistes londoniens dans le cadre des campagnes anti-Rushdie. L’écrivain et les défenseurs de la liberté de penser et de publier se trouvaient accusés du crime d’islamophobie tout en étant menacés de mort.
Le concept d’ « islamophobie » est originairement une arme forgée par les islamistes dans le but d’imposer leur vision totalitaire du monde. (
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Les islamistes voient dans la bataille du vocabulaire un enjeu d’importance. Le terme d’islamophobie cache le piège tendu aux institutions laïques par les intégristes musulmans pour empêcher la critique de la religion tout en soumettant des segments de l’existence sociale (spécialement celle des femmes) à une emprise totalitaire. (
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La prestidigitation de ce mot consiste à renverser la réalité en plaçant l’obscurantisme en position de victime et la laïcité d’agresseur ». Autant ce texte me paraît intéressant, autant faudrait-il tout de même redéfinir la laïcité en la séparant bien de ce qu’elle fut trop souvent en République française (en particulier sous la IIIe), c’est-à-dire une idéologie de combat contre toute foi extérieure à la seule foi républicaine, une idéologie laïciste qui ne fut qu’une caricature de la juste laïcité nécessaire à l’Etat politique.
En tout cas, cette affaire a remué le paysage intellectuel français : toute la presse y a consacré des pages et des pages, et une réaction en faveur du philosophe (obligé de se cacher dans son propre pays pour échapper à la vengeance des islamistes) s’est développée dans les milieux les plus différents, voire d’ordinaire antagonistes. En même temps, « Le Monde » (vendredi 6 octobre) nous apprend que le centre d’art de Londres (Whitechapel Art Gallery) a retiré des dessins d’un artiste surréaliste parce que « ses uvres érotiques risquaient de choquer la population musulmane du quartier »
Le plus inquiétant, c’est que ces uvres ne sont pas religieuses et ne concernent en rien l’islam, à moins que certains considèrent que, désormais, montrer un corps de femme dénudée soit une insulte à la foi musulmane : dans ce cas, nos musées ont du souci à se faire, tout comme les publicitaires
En attendant, un de mes amis musulmans, qui fait le ramadan, s’inquiète de voir réapparaître dans son pays d’origine, la Tunisie, des « voiles » qui avaient presque disparu depuis Bourguiba : il y voit une régression de la situation des femmes musulmanes. Et il craint un islamisme qui transformerait l’islam en un véritable repoussoir pour les croyants des autres religions comme pour les non-croyants. N’étant pas moi-même musulman, je partage néanmoins ses craintes. C’est aussi pour cela que je combats ce qui m’apparaît comme une idéologie totalitaire, l’islamisme. Si je suis royaliste, c’est par amour des libertés, et je ne souhaite pas voir celles-ci réduites pour faire plaisir à quelques « barbus » fanatiques enivrés de leurs propres certitudes, homicides de qui ne pense pas comme eux
Cette véritable « semaine Redeker », au lycée Hoche comme dans la presse française, est plutôt rassurante car elle démontre que le temps des compromissions « pour avoir la paix » (sic !) est en passe d’être révolu.